Rituel de l'Ombre, l'interview des auteurs
Eric
Giacometti (journaliste et profane) et Jacques Ravenne ont écrit le thriller
maçonnique "Le Rituel de l'Ombre" déjà évoqué ici. Le Blog Maçonnique les a
interviewés.
Quelles
sont les difficultés de cet exercice "à quatre mains" ?
Eric
Giacometti. Il
n’y a pas vraiment eu de difficultés majeures, nous étions d’accord sur
les personnages et le fil du récit.
Chacun relisait le chapitre de l’autre pour harmoniser l’écriture finale.
Y avait-il
une répartition du rôle avec, pour le Maçon, les aspects rituelliques, historiques,
philosophiques, et, pour le journaliste, les aspects liés à l'intrigue, l'écriture ?
Eric Giacometti. Toutes les
parties maçonniques viennent effectivement du vécu de l’auteur maçon. J’ai
endossé parfois le rôle de l’héroïne
dans ses critiques sur la franc-maçonnerie et j’ai du me plonger dans
l’histoire de la maçonnerie. Mais ensuite la répartition des rôles se brouille.
Il a rédigé aussi des scènes d’action, j’ai écrit la partie en 1945 qui
concernait le SS, lui dans le camp de concentration, j’ai mis ma patte dans le
journal intime du maçon en 1940, etc.
Jacques
Ravenne. En
fait, l’osmose a pris très rapidement. Chacun de nous a fini par sentir à quel moment du récit, il
fallait accélérer l’action ou bien se
concentrer sur une scène plus intimiste. Travailler à deux agit comme un
révélateur : on découvre ses limites et l’autre vous aide à les franchir.
Curieusement on est assez proche du travail en loge
Les Maçons
sont habitués à des "essais" sur la Franc-Maçonnerie. Considèrent-ils
l'approche de la F.M. à travers un thriller comme triviale ?
Jacques
Ravenne. Il
faudrait d’abord s’interroger sur l’approche
de la F.M aux travers des essais
qui lui sont consacrés ! La pratique de la maçonnerie est d’abord un vécu
qu’un livre de réflexion, même le plus sincère, ne peut faire vraiment
partager. L’avantage d’une fiction est de tenter d’explorer le plus de facettes
possibles d’une expérience. Etre maçon
ne se résume pas au travail en loge, c’est aussi confronter au quotidien son
propre idéal… Ce n’est pas toujours évident ! Quant il s’agit en plus d’un
commissaire de police confronté à des
meurtres qui le dépassent, on peut voir apparaître les doutes les fêlures. Mais
aussi, une soif de vérité, un besoin de lucidité qui fait de lui un maçon engagé dans la
réalité. Ce que nous devrions tous être.
Eric
Giacometti. Pour
ma part, je crois que ce thriller a pour fonction première de divertir et
accessoirement de faire découvrir au
public un bout d’univers étonnant, la maçonnerie, mais il n’a pas la prétention
de livrer ce qui fait le cœur de l’initiation. S’il permet de faire tomber
certains clichés ou de faire comprendre par exemple ce qui s’est passé contre
les maçons sous l’occupation c’est peut-être utile. Moi même en tant que
profane, je continue à me poser des questions sur la maçonnerie, quand bien
même j’en ai longuement discuté avec mon co-auteur. Peut-être le thriller
permet de s’affranchir d’une certaine langue de bois que peuvent avoir les
maçons dans leurs discours devant des profanes. Ce côté lisse et policé, discipliné me laisse perplexe. C’est
tout bête mais je me suis toujours demandé si un maçon pouvait laisser éclater
sa colère quand quelque chose lui déplaisait alors qu’il est censé toujours adopter
une conduite tolérante et qu’il doit se contrôler. Je pense que le passage où
le héros explose en entendant les critiques acerbes de l’héroïne sur la FM est amusant sur ce point.
Eric
Giacometti. Très
simplement dans la mesure où les romans se basent sur une certaine réalité. Le
point commun des deux romans est de s’appuyer sur des éléments réels. "Panne de cœur" s’inspirait d’une
affaire hélas bien réelle de pacemakers défectueux qui est toujours pendante
devant la justice. "Le Rituel de
l’ombre" se nourrit de matériaux plus divers (histoire des
archives, Thulé, le soma, etc), mais tout aussi véridiques
.Jacques
Ravenne. En
vérité, ces différents matériaux, nous
les avons porté en nous de nombreuses années. Et puis vient un moment où une
conjonction favorable se présente, une alchimie imprévue où tous ses éléments,
peu à peu, prennent forme et place. C’est un processus étrange mais qui devient vite une nécessité. Les personnages
acquièrent leur indépendance, l’intrigue se déroule et un roman est écrit.
Quand on a déjà traité des sectes,
approche-t-on la Franc-Maçonnerie avec méfiance ?
Eric
Giacometti. Non, la formule "Il est facile
de rentrer dans une secte il est impossible d’en sortir, c’est le contraire en
maçonnerie" m’a toujours semblé exacte. Les sectes développent une
mécanique qui relève de l’endoctrinement et que je n’ai pas observée chez des
maçons. En revanche, la méfiance venait plutôt des périodes d’enquête sur
l’affairisme sur la Côte d’Azur où j’ai rencontré des maçons pas très
recommandables. Il fut un temps où la F.M. me semblait receler plus de gens
intéressés que de gens intéressants. J’ai par la suite évolué.
Eric
Giacometti. C’est un ami de 25 ans, curieusement j’ai
toujours respecté sa pudeur sur ce sujet et je ne l’avais jamais questionné sur
cette partie de sa vie que je voyais comme son jardin privé, même quand j’enquêtais
à l’époque sur la côte d’Azur. Sauf quand nous avons commencé à écrire ce
livre.
Jacques
Ravenne. C’est un ami de 25 ans ! Et qui en a bien passé 10 à m’expliquer qu’il ne pouvait y avoir de véritable quête sans appartenir à
une confrérie initiatique ! Sauf
que lui est resté en dehors du Temple et que j’ai fait le saut. C’est peut être cet écart qui a donné naissance au livre.