Les
habituelles listes de Francs-Maçons célèbres ne manquent pas de citer
l'Emir Abelkader (Mascara 1808 – Damas 1883). Pourtant, lors d'une
conférence-débat intitulée "L'Emir Abdelkader, résistant et humaniste"et évoquée par la Tribune d'Alger
(cf. allAfrica.com), les conférenciers, mis l'accent sur le fait que
l'Emir Abdelkader n'était pas franc-maçon, se référant en cela à divers
manuscrits de l'époque. "Des
francs-maçons français ont voulu le convaincre de faire partie de cette
confrérie comme ils l'ont fait avec Djamel Eddine Al Afghani mais il
s'y est farouchement opposé". La forme de l'initiation maçonnique est contestée dans le site musulman Oumma; on y trouve également des citations intéressantes sur l'attitude des Loges par rapport au monde arabe.
Abdelader
(ou Abd El-Kader) est considéré comme un héros fondateur de la nation
algérienne. Adversaire acharné de la France pendant la période
1832-1847, Après sa reddition il fut interné en France jusqu'en 1852 et
libéré par le prince Louis-Napoléon. A Damas, il accorda sa protection
à des milliers de chrétiens lors des troubles interconfessionnels en
1860. Napoléon III conféra à l'émir le grand cordon de la Légion
d'honneur. La Loge Henri IV du Grand Orient de France lui proposa l'initiation maçonnique.
Dans une lettre du 16 novembre 1860 adressé à l'Emir, elle mettait en avant
le caractère déiste et humanitaire de la Maçonnerie, reconnaissait à
Abd el-Kader les qualités du Maçon. Elle lui offrait en hommage le
bijou symbolique de la Loge et lui proposait finalement de le "compter au nombre des adeptes de notre grande institution". En février 1861, Abd el-Kader répondit qu'il considérait avoir "découvert là les vrais trésors du monde" et
que, ses croyances se trouvant en conformité avec celles que professait
la Maçonnerie, il demandait quelles seraient les conditions et les
obligations qui lui seraient imposées. La loge Henri IV envisagea alors
une initiation par correspondance (autorisée par les règlements alors
en vigueur) et demanda à Abd el-Kader de répondre à 3 questions. L'émir
répondit longuement et de manière hautement philosophique. Une crise
qui devait aboutir à la nomination du maréchal Magnan comme Grand
Maître devait retarder l'initiation d'Abd el-Kader. Par la suite, il
n'est plus question d'initiation sans présence effective. A la demande
de la loge Henri IV, la Loge Les Pyramides, à l'Orient d'Alexandrie,
accepta de procéder à l'initiation de l'Emir au nom de la loge
parisienne. La cérémonie eut lieu le 18 juin 1864. Contrairement aux règles habituelles,
Abd el-Kader se vit conférer en même temps les 3 premiers grades. A
Paris, la Loge Henri IV décida de convoquer une tenue solennelle en
l'honneur du nouvel initié. On y exprima l'espoir d'arriver par l'Emir
à constituer en Orient des loges indigènes dont le but serait "la régénération sociale de toute la race arabe".
En 1865, au cours de son voyage en France, Abd el-Kader prit contact avec
la Maçonnerie française. A Amboise, il déclara qu'il considérait "la Franc-Maçonnerie comme la première institution du monde". Devant les Maçons de la Loge Henri IV, il affirma être "convaincu que c'était la plus admirable institution de la terre", tout en soulignant qu'elle aurait des difficultés à prospérer en Orient par suite du manque de liberté.
Même
si Abd el-Kader est porté comme membre honoraire de la loge La Syrie, à
l'Orient de Damas, il ne semble plus avoir d'activité maçonnique par la
suite. La cause de cette attitude peut être recherchée dans la
situation politique locale mais, surtout, dans l'évolution même de la
Franc-Maçonnerie française. Celle-ci avait en effet abandonné
progressivement la philosophie religieuse pour une philosophie laïque
étrangère à l'esprit d'Abd el-Kader qui avait vu dans l'institution
maçonnique une société de pensée pouvant être le trait d'union entre
chrétiens et musulmans.
(source : "Dictionnaire de la franc-maconnerie" de Daniel Ligou)